mercredi 21 août 2013

NAISSANCE D'UN ECRIVAIN DE ROMANS POPULAIRES IIe PARTIE


 PIERRE SALES (1856-1914) 
Pierre Sales en 1906

    Pierre de Sales naquit le 22 décembre 1856, à Trie sur Baïse (Hautes-Pyrénées) donc ni à Tric, ni à Tarbes, ni en 1854, comme l'ont affirmé beaucoup de journalistes de l'époque. Il était le fils de Jean, Rose, Élisabeth, Albert de Sales et de Émilie, Thérese Guénin. Son père exerçait la profession de Contrôleur des Contributions directes dans la région. Son éducation ne fut pas négligée pas plus que celle de son frère Bernard qui devint médecin.
Ce qui certain, c'est qu'il fit une partie de ses études à Tarbes (Hautes-Pyrénées) et à Toulouse, avant de monter à Paris pour y exercer très jeune la profession de journaliste. Mais auparavant, il voyagea en Angleterre, pays qui ne lui laissa pas que de bonnes impressions et à son retour, il entra dans une maison de banque et de commission avant de se consacrer au roman populaire, on verra dans quelles circonstances. On retrouvera ainsi, dès ses débuts, dans la plupart de ses romans, son goût pour les chiffres et les situations financières donc venant et de l'héritage paternel et de cette si brève formation bancaire qui lui permis de connaître la corbeille. Son goût pour l'écriture commença par se manifester dans de brèves nouvelles qu'il arriva à placer dans divers journaux, telle La Valse 12 dans La Vie Populaire (n°18) du 28 février 1884 et que, beaucoup plus tard, il réunira en un volume intitulé Mariage manqué (1888), publié chez Flammarion. La nouvelle Le Mariage manqué serait en fait la première qu'il aurait écrite (Le Gaulois (n°2172), du 9 août 1888.
    Son premier roman naquit dans des circonstances assez particulières qui sont relatées d'une manière très détaillée par Jean d'Epinay dans Le Matin (n°6085) du mardi 23 octobre 1900, sous le titre PIERRE SALES, Les débuts d'un romancier, chronique sur deux colonnes à la une, destinée à présenter l'auteur en l'honneur de la publication d'un nouveau grand roman dans le même journal et intitulé Les Habits Rouges qui avait été annoncé depuis de nombreux jours par forces articles. En tête des deux colonnes centrales, un portrait de l'auteur donnait une bonne idée du physique de celui-ci au début des années 1900 : «Il y a une quinzaine d'année (donc environ en 1885), une famille se trouvait réunie dans le jardin d'une villa avoisinant Paris et s'entretenait, non sans une pointe d'inquiétude, de la grave décision que venait de prendre un de ses membres, de quitter la voie des affaires, qu'il avait suivi jusqu'alors pour se lancer dans la carrières des lettres ; car, bien que le futur écrivain eût été un audacieux et un travailleur, on ne pouvait envisager, sans de l'angoisse même, l'inconnu vers lequel il se lançait, et où personne ne pouvait le guider ni l'aider, puisque ni lui ni les siens n'avait la moindre relation dans le monde littéraire. Et puis, dans le domaine immense du Livre, du Journal, du Théâtre, vers quel but précis se dirigerait-il ? Il avait bien fait quelques tentatives déjà, bouts d'articles, reportages, nouvelles à la main, même un essai de roman psychologique... mais tout cela si vague encore, si incertain ! Une aimable vieille tante lui dit tout à coup : - Fais donc du roman judiciaire, et tu seras lu. Le jeune auteur hausse dédaigneusement les épaules, jugeant la chose bien trop aisée pour lui ; et il le dit même, avec la belle exubérance de la jeunesse qui ne doute de rien : - Mais j'en ferai quand je voudrai ! - Essaie donc... Et tu verras que c'est peut-être plus difficile que tu ne l'imagines. - Bah !... Et... tenez ! A cet instant, on entendit le bruit d'un seau tombant dans un puits, commun à la petite villa et à un jardin voisin. - Tenez ! Un roman judiciaire ? Mais en voici un ! Et moitié rieur, moitié sérieux, il fait un pas vers le puits. - Vous avez bien entendu ce seau ?... Ou, du moins, vous avez cru entendre tomber le seau... Mais vous vous êtes trompés ; c'est... c'est … Il chercha bien vingt secondes. - C'est un cadavre... oui, un cadavre, qu'on vient... que nous venons, mon frère et moi... ou l'un de nous seulement, ou tout autre, à qui il plaira de nous accuser demain... Bref, c'est un cadavre qu'on vient de jeter là, la nuit. Et c'est... c'est... Encore dix secondes de réflexion : - Ce cadavre, c'est celui de notre oncle... que tout le monde attend d'Amérique... ou des Indes... et donc nous ignorions l'existence, il y a deux mois... Mais il nous a avisé de son retour, en nous annonçant qu'il était riche et, nous deux, si unis jusqu'alors, nous nous sommes brouillés, pour l'héritage à venir... Et, quand on découvrira ce cadavre, ici, demain matin, nous... nous nous accuserons mutuellement, et très injustement, puisque nous serons aussi innocent l'un que l'autre, et que le crime aura été commis par... par... Le conteur s'arrêta ; et voilà que, tout en ayant l'air de le blaguer, on l'écoutait, bouche bée. - Eh, bien ? Fit-on ! - Voilà... Diable ! Par qui le crime a-t-il été commis ? Eh ! Je n'en sais rien !... Et, d'ailleurs, si je le savais, ça n'aurait plus d'intérêt... puisqu'il faut que je le découvre !... Mais ce que je sais, pertinemment, c'est que chacun de nous a une fille... que ces filles sont aimées par d'aimables et courageux jeunes gens, qui vont prendre notre défense, se battre, se réconcilier... et puis... et puis découvrir le criminel, en allant aux Indes... ou en Amérique... Et que cela se terminera par deux mariage. Le conteur en resta là. On se moqua de son histoire, et il fit chorus avec les moqueurs. Mais une clairvoyante sollicitude veillait sur lui, et lui disait, le soir même : - Savez-vous que, malgré tous les rieurs, c'est le début d'un charmant roman que vous nous avez conté là ? - Croyez-vous ? Et cela plairait, sûrement, aux lecteurs du Petit-Journal. - Tiens !... Qui sait, après tout ?... Et dans la nuit même, le jeune auteur bâtissait son plan ; et le jour était à peine levé, le lendemain, qu'il commençait de l'écrire. Cinq semaine plus tard, le roman était achevé... »
     Pierre Sales porta son manuscrit, le déposa dans une case de la conciergerie du Petit-Journal et trois semaines plus tard, une lettre de l'éditeur Marinoni le convoquait pour lui apprendre que son roman allait paraître dans le journal, un mois après. Ce premier roman publié s'intitule Le Puits mitoyen et suis fidèlement le plan imaginé devant nous par l'auteur qui y rajouta une seconde partie se déroulant aux Indes beaucoup plus animée et pleine d'aventure où nos deux « détective », le mot n'est pas prononcé, recherche le criminel et ses complices. L'histoire se finit comme prévue par deux mariage. Le roman de Pierre Sales se lit facilement et vaut bien par son réalisme toutes les intrigues caviardées de nos romans policier actuels. Il paru donc dans ce fameux Petit-Journal (n°8087) le dimanche 15 février 1885 jusqu'au 23 mai de la même année. L'article de Jean d'Epinay précise qu'il remporta « un très jolie succès malgré la jeunesse et l’inexpérience de l'auteur». Succès confirmé par l'édition en volume, la même année et chez Calmann-Levy.
Pierre Sales écrivit d'autres romans judiciaires avec des intrigues plus complexes et empreintes parfois de considérations psychologiques et sociales importantes. Mais il fit mieux lorsqu'il publia Le Sergent Renaud (Flammarion, 1898), ce que confirme Jean d'Epinay vers la fin de son article « certainement l’œuvre la plus touchante que Pierre Sales ait écrite. Ce fut ajoute-t-il une révolution dans le roman populaire. Plus de crimes ! Plus d'horreurs ! Plus d’invraisemblances ! La vie toute nue ; les types que nous rencontrons chaque jour ; les moyens d'action les plus simples ». « Le succès en fut prodigieux. Et dès lors, Pierre Sales, entraînant l'immense public avec lui pouvait lui donner tout autant des études que des romans, le promenant dans tous les mondes, dans toutes les industries, faisant la campagne du Tonkin avec Viviane (Le Petit Parisien, 1890), descendant dans les mines d'Anzin, avec Miracle d'Amour (Le Bon Journal, 1894), parcourant les usines, les filatures du Nord avec L'Enfant du Péché (Le Petit Parisien, 1896) , les tissages de Normandie avec Femme et Maîtresse (Le Petit Parisien, 1892), courant à la folie du Carnaval de Nice avec Le Corso Rouge (Le Petit Parisien, 1892-1893), et tout récemment faisant vivre tout le Transvaal et la fièvre des mines d'or à Paris, avec La Course aux Millions (publié dans le Petit Parisien sous le titre La Mariquita, 1897, le titre global donné plus tard par Flammarion et Fayard sera La Course aux Millions)... »
Charles Moreau
21 août 2013
Copyright 2013

samedi 10 août 2013

PIERRE SALES (1ère Partie)


LA MORT D'UN ECRIVAIN DE ROMANS POPULAIRES
 

    Le vendredi 3 octobre 1913, dans l'après-midi, le romancier bien connu, Pierre Sales fit une chûte en glissant sur le trottoir dans la rue du Havre ou Place du Havre, le lieu est différent selon les journaux, et Le Siècle, du 10 avril 1914 (n° 38841) rappelant l'incident en première page, lors du décès, indiqua la rue Lafayette. Il se cogna donc le crâne et s'ouvrit le cuir chevelu se faisant une plaie qui saigna abondamment. Des passants, l'aidèrent à se relever et le conduisirent dans une pharmacie, non loin de là, où les premiers soins lui furent donné pour arrêter l'hémorragie. Peu après, on le mena à l'Hôpital Beaujon, où la plaie fut soignée et où un pansement lui fut posé. Après quoi, il put regagner son domicile. Des amis, émus par cet accident, dès qu'ils en eurent l'occasion, lui rendirent visite et ils eurent la satisfaction de le trouver à sa table de travail dans son bureau où il les reçu comme si de rien était. A Beaujon, on lui avait cependant recommandé le repos, mais cédant à son besoin d'activité, il s'était remis à son travail ce qui acheva de l'épuiser.
    Cependant cet accident ne fut, peut-être, pas sans conséquences. Le vendredi 10  avril à une heure du soir, de l'année 1914, il mourait à son domicile, (sur le coup de 11h30 précisèrent les journalistes), au 7 rue Blanche où il résidait depuis vingt ans, des suites d'une affection grippale. Il est vrai, qu'à cette époque, la tuberculose et la grippe ravageaient l'armée et le pays. Les journaux presque en totalité annoncèrent sa mort, sans s'étendre, se contentant d'indiquer que les obsèques auraient lieu le samedi 11, à deux heures, à l'église de la Trinité et que l'intéressé serait inhumé au cimetière St Vincent. Le Gaulois du 10 avril (n°13327) annonça cette mort en première page dans un Bloc-Notes intitulé « Romanciers Populaires », signé Tout Paris. Ce Bloc-notes signalait ainsi d'une manière lapidaire : « M. Pierre Sales dont nous annonçons par ailleurs la mort prématurée, s'était acquis par la publication de ses feuilletons, qui parurent surtout dans le Petit Journal, une renommée assez étendue et la faveur d'un public nombreux. Par ce succès, comme par la forme de son talent et le choix de ses sujets, il appartenait à cette catégorie de littérateur que l'on est convenu d'appeler les romanciers populaires »... et il s'en suivait une courte étude sur ladite littérature qui serait apparue vers 1840, à travers l'évocation des noms des principaux écrivains de l'époque, Eugène Sue, Ponson du Terrail, Xavier de Montépin, Paul Féval, Pierre Maël, Georges Ohnet, Pierre Decourcelle, et Gaston Leroux. En conclusion, Tout Paris ajoutait : « On aurait tort de médire du Roman Populaire et de dénigrer un genre que les dédaigneux seuls doivent traiter de subalterne. Il met en valeur une des qualités de notre race qui est de conter, et il satisfait un des goûts qui est d'aimer l'action dans la fable comme dans la vie. Il renoue avec une tradition, il est la chanson de geste du Français contemporain. »
    Le Figaro du dimanche 12 avril 1914 (n°102) retrace avec bon nombre de détails sur la famille, les amis et les autorités présentes la cérémonie des obsèques de Pierre de Sales qui eut le samedi après-midi à l'église de la Trinité. Après la cérémonie religieuse, le cortège des personnes qui accompagnèrent le romancier à sa dernière demeure dans le cimetière de St Vincent à Montmartre vint donc lui rendre un dernier hommage. Le Figaro précise : « Des couronnes avaient été envoyées par la Société des Gens de Lettres, la Société des Auteurs dramatiques, les Hauts-Pyrénéens à leurs compatriotes, la Société de secours et de retraite du personnel du Petit-Journal à son bienfaiteur, etc... Le deuil était conduit par MM. Maurice Bauche, gendre du défunt ; le docteur Bernard de Sales, son frère ; le docteur Le Tellier, son beau-frère, et ses cousins. » Dans l'assistance, outre des personnalités et des connaissances dont nous ne donnerons pas les noms, on pouvait noter, au niveau littéraire, la présence de M. et Mme Jules Mary, Marc Mario, Gustave Toudouze, Ernest Flammarion, Poulbot, Henry Kéroul, et Armand Lévy. L'inhumation au Cimetière St Vincent à Montmartre se fit après les discours prononcés par M. Jean Julien, délégué de la Société des Gens de Lettres et par Adolphe Brisson, au nom de la Société de la Critique dramatique. Un compte-rendu très proche fut fait par L'Echo de Paris (n°10835) à la même date.
    Sa tombe existe toujours au cimetière St Vincent dans la 5e Division.
    Pierre Sales avait écrit une soixantaine de romans et en laissait une dizaine inachevés ou terminés (le doute reste encore puisque les journalistes émettent des avis différents suivant les compte-rendus) montrant par là, combien il avait été un écrivain prolifique et une bonne partie de son œuvre lui avait permis de créer de nombreuses adaptations pour le Théâtre qui toutes avaient été très bien accueillie.
Charles Moreau
Le 8 août 2013 
Copyright  août 2013 

vendredi 7 juin 2013

NATHALIE HENNEBERG


LA SECONDE MORT DE NATHALIE HENNEBERG
 
       Je ne pensais pas avoir à écrire ces lignes mais elles sont dues au fait que parmi les nombreux documents qui m'ont été dérobés récemment (du moins je le pense : il se pourrait que cela ait été une œuvre de longue haleine) et dont je vais entreprendre un inventaire complet figurent ceux concernant l'auteur des romans An Premier, Ere spatiale (Le Mur de la Lumière) et de La Plaie. Parmi ceux-ci, on peut compter les lettres de Jacques Van Herp sur la mort de sa collaboratrice et sur la genèse d'un de ses derniers romans écrits en collaboration avec elle, Le Khéroub, des lettres de Sœur Suzanne de Nazareth sur l'agonie de Nathalie Henneberg, une lettre de Yvonne Caroutch (auteur d'une biographie de Giordano Bruno et d'un roman : Le Gouvernement des Eaux), lettre dans laquelle elle me racontait comment elle l'avait rencontrée alors qu'elle était malade (elle perdait la vue) car elle l'admirait fort, et une lettre de Michel Bénâtre que j'avais pu joindre au sujet des romans et nouvelles qu'elle avait écrits pour la revue Satellite (entre autre Le Chant des Astronautes). 
 
       C'est la recherche de la lettre du directeur de Satellite, Michel Bénâtre, qui m'a permis de découvrir le pillage en règle de mes archives Henneberg. A noter que très peu de personnes étaient au courant de l'endroit ou elles étaient réunies. Ne la retrouvant pas je cherchais les lettres que j'avais intercalé entre d'autres documents dans des chemises plastifiées, celle d'Yvonne Caroutch manquait bien qu'il resta des photocopies de celle-ci, ce qui était demi-mal. En ce qui concerne la correspondance du Directeur du Masque SF, Jacques Van Herp, il manquait aussi les deux lettres dans lesquelles il m'expliquait pourquoi il n'avait pas pu s'occuper de Mme Henneberg à la fin de sa vie et où il me racontait sa collaboration avec elle alors qu'elle était à cours d'inspiration. C'était avant qu'il n'ait son accident qui le plongea dans le coma et l'obligea à se soigner. Sa mémoire altérée à l'époque fit qu'il oublia de nombreuses choses. Lorsqu'il revint au Masque, il découvrit la mort de Nathalie et son enterrement au cimetière de Thiais. Si je possédais le Khéroub, c'est parce que terminé avec difficulté, il en avait un exemplaire dont il me fit une copie, mais il ignorait que Nathalie Henneberg s'était remise à écrire ou écrivait peut-être en même temps un dernier roman, Les Cinq Danses de Nitocris dont elle ne lui parla jamais. 
 
      Dans les derniers temps de sa vie Nathalie Henneberg était devenu impotente et elle était aidé par une aide soignante, la sœur Suzanne de Nazareth que je parvins à retrouver dans un couvent de Normandie (encore que je n'ai pas remis la main sur son adresse puisque ses lettres avec l'enveloppe m'ont aussi été volées). Elle me décrivait les derniers jours de Nathalie avec beaucoup de tact : je n'en rendis pas plus compte dans ma biographie car je tenais à respecter la fin difficile de la romancière qui était devenue à la longue alcoolique et qui n'avait plus rien de ses héroïnes sylphides. Pendant de longues semaines, Sœur Suzanne veilla sur Nathalie lui remontant le moral et la soignant avec constance. La nuit de sa mort, à la suite d'une occlusion intestinale, elle n'était pas présente mais elle lui donna les derniers soins lorsqu'elle découvrit qu'elle avait quitté ce monde. Elle du revêtir l'imposant cadavre d'un immense peignoir. C'est ainsi que Nathalie parti rejoindre son époux, Charles, qu'elle avait tant associé à son œuvre comme en témoignait l'aide soignante qui me rapportait aussi ses conversations avec l'illustre malade. Qu'advient-il de ses archives personne le sait exactement : tout le monde était absent et la sœur de Nathalie Henneberg, Madame Barclay de Tolly, prévenue par l'agence Renault-Lenclud, ne put venir à ses obsèques car elle enterrait dans le même temps son propre époux. Le témoignage de Sœur Suzanne était très important et elle me donnait aussi des renseignements sur le médecin qui la soignait : je ne comprends pas qu'on ait pu le soustraire de mes propres archives. Je ne sais ce que cela rapportera à ceux qui ont commis cet acte. 
 
       Ce n'était pas la première fois que un larçin de ce genre était commis dans mes archives. La première lettre qui me fut dérobée, il y a déjà fort longtemps, fut celle de Suzanne Malaval à qui j'avais écris pour lui demander son témoignage car elle avait correspondu avec Nathalie Henneberg. Lorsque nous lui rendîmes visite, à Versailles et qu'elle chercha ces lettres, elle constata que celles-ci lui avait été dérobées. Selon ses dires, dans la lettre qu'elle m'avait adressé et qui avait provoqué ma visite, Nathalie racontait comme, elle avait été récompensé pour son courage par les légionnaires vaincus par les forces de libération anglaises. Suzanne Malaval nous signala que quelques temps avant que nous lui rendions visite, une équipe d’aficionados de la Sf lui avait rendu visite. Elle n'en dit pas plus mais nous comprîmes pourquoi nous ne pouvions plus les consulter. D'autres lettres, d'un intérêt moindre, ont aussi disparu. Par exemple celle d'un journaliste de la radio de France outremer, avec qui Nathalie avait fait des projets ou des interviews.
      Enfin j'avais aussi mené un certains nombre d'enquêtes et l'une d'entre elle auprès de l'Association des Médaillés de France où Charles Henneberg avait été administrateur et j'avais découvert qu'il y avait eu des critiques des livres publiées au fil des années depuis 1953 dans l'organe de cette association, le Journal des Médaillés de france et dont j'obtins des photocopies. Eh bien, j'avais fini par retrouver une partie de ces journaux sur les puces. Ces journaux font aussi partie des objets volés et il y en a encore d'autres. 
 
       Ce que je sais c'est que mon cœur est rempli de tristesse et de colère.
      J'ai veillé pendant de nombreuses années sur cette œuvre. J'ai racheté des manuscrits. J'en ai récupéré d'autres tels que Demain le Ciel (roman sur une Agence Européenne de l'Espace) auprès de Francis Valéri-Dostert qui le tenait des archives d'Alain Dorémieux, lequel avait soigneusement corrigé (rewrité) le manuscrit, ou encore un roman fantastique inachevé basé sur les spéculations du Matin des Magiciens de Jacques Bergier, auprès de Didier Reboussin qui lui avait apporté une conclusion assez importante et qui est devenu, récemment, le roman fantastique Hécate qui vient d'être publié. Enfin auprès de Jacques Van Herp le roman Le Khéroub qu'il m'adressa espérant qu'un jour il serait publié lui aussi. Enfin j'avais fait une enquête auprès de l'Association des Médaillés de France et j'avais découvert qu'il y avait eu des critiques des livres publiés au fil des années dans l'organe de cette association Le Journal des Médaillés de France. Ces journaux ont eux aussi été dérobés.
 
      Je n'ai pas hésité une seconde quand Didier Reboussin me demanda des copies de trois des manuscrits et je lui fis donc une copie intégrale des trois romans restés inédits dont le sien propre qu'il ne détenait plus. Je n'ai rien demandé pour moi-même ni pour le fait de les avoir gardés et protégés pendant si longtemps. Mais j'admets mal, aujourd'hui, de me trouver dépossédé de mon travail de patience et d'admiration pour l’œuvre de l'amie de Jacques Bergier, toutes choses que j'ai exprimé dans sa bio-bibliographie qu'on peut peut trouver complète dans un des numéros du nouveau Lunatique (Eons) et en postface du recueil de nouvelles Des Ailes dans la Nuit (Terres de Brume). 
 
      Mes correspondances sont personnelles et je ne peux souffrir d'en être privé. Je supporte mal d'avoir vu leur secret violé et peut-être livré sans mon autorisation qu'on a donc même pas sollicitée. D'où cette plainte sur mon blog. J'espère que ces lettres et documents fruits de mes recherches me seront restituées comme m'ont été restituées seulement une partie des photos volées antérieurement et dont certaines me manquent toujours actuellement pour travailler sur certaines chroniques que je voulais présenter sur ce blog.
      A ce moment-là, je me déferai de mes soupçons qui mettent à mal ma confiance et mes certitudes envers quelques personnes.
     Dernier point qui confine à la stupidité sinon à la méchanceté pure : les voleurs ont jugé bon d'effacer dans mon ordinateur, en pensant que je ne m'en rendrais pas compte (ni plus ni moins) et en maquillant la chose, le texte original du manuscrit que j'ai consacré à Nathalie Henneberg. Comme il a été publié, j'avoue qu'on doit vouloir m'embarrasser dans le cas où je trouverai un mécène qui me le paierai à prix d'or pour le publier une fois de plus.
Charles Moreau
Copyright mai 2013


mardi 2 avril 2013

GARY JENNINGS ET THEODORIC LE GRAND


L'EMPIRE BARBARE, UN ROMAN SANS PAREIL
GARY JENNINGS
PRESSES POCKET
     C'est certainement le plus extraordinaire des romans historiques que j'ai lu et je ne dis pas cela pour plaisanter car j'en ai lu beaucoup. Avant de publier ses grands romans, Azteca et Marco Polo, Garry Jennings écrivit du fantastique et les lecteurs français de la revue Fiction seront surpris d'apprendre que de 1963 à 1976, il eut 7 nouvelles de ce genre traduites dans notre langue. RAPTOR (ou si l'on veut, L'EMPIRE BARBARE) est cependant incontestablement un roman historique dont l'esprit est exceptionnel par sa composition et son travail de reconstitution. A travers un personnage de fiction, Thorn, enfant abandonné par ses parents car il n'est pas conforme à ce que doit être un enfant normal (il a deux sexes, le masculin et le féminin et est donc hermaphrodite sans pouvoir se reproduire), Jennings montre son éducation chrétienne, d'abord dans un couvent dont les moines le récupèrent lors de sa naissance car il est abandonné par ses parents, puis à la suite d'un viol commis par l'un des moines, il est considéré comme une femme et se retrouve dans un autre couvent abritant des nonnes, puis son éviction et son bannissement définitif lorsqu'il est surpris avec l'une d'entre elles à se réconforter, et à travers la vie qu'il mènera dès lors à l'extérieur de ces deux mondes clos, on découvrira, épisode par épisode, en fait, un univers barbare décrit par tranche à la fois géographiques, économiques et politiques, donc dans tout ses détails avec une somptueuse minutie pour arriver à la constitution d'un nouvel empire qui n'a rien de barbare destiné à succéder à celui de Rome dont la décadence est inéluctable sous les coups du christianisme.   
     Sur ce sujet qui a fasciné de nombreux auteurs de science-fiction (et pas seulement eux), on trouve l'un des plus célèbre, Isaac Asimov, avec son empire stellaire de la série des Fondation ainsi que Van Vogt.
    En même temps que l'exploration d'un monde, l'évolution conduit Thorn à travers les duretés de la guerre, animés par les aléas de la conquête du pouvoir. Quand Thorn rencontrera accidentellement celui qui deviendra son maître, le futur empereur Théodoric le Grand, il lui consacrera toute sa vie pour l'aider à ramener la paix dans un monde perturbé.
     Ce qui reste à Thorn qui est un être jeune, il est violé à douze ans par un moine qui ne se rend pas compte de la nature multiple qu'il a devant lui, c'est à réaliser sa double personnalité, à la fois dans la sexualité et dans les apprentissages de la vie en se frottant au contact de ses compatriotes dont il découvre au fur et mesure tous les états, les appétits et les faiblesses, ce dont il profitera et se servira.
Tout d'abord, et c'est l'aspect le plus fascinant de la première partie du roman, après sa double éducation dans les couvents où il apprend les langues, les canons et les écritures, c'est la survie au cœur d'une nature âpre et sans concession où il commencera par dresser un aigle, son juika-bloth, (qu'il utilisera comme une véritable arme) et deviendra chasseur sous la férule d'un ancien soldat romain, Wyrd, dont il obtiendra tout et qu'il perdra définitivement lorsque celui-ci mourra, atteint par la rage inoculée par un loup. Cet épisode formateur fait songer aux romans de London et de James Oliver Curwood. Un épisode intermédiaire situé avant la mort de Wyrd, nous montrera Thorn affrontant une tribu de Huns qui ont enlevé une jeune femme enceinte de son fils, ainsi que son petit-fils, parents du Légat Calidius.
    Le qualificatif de Raptor qui est attribuée à Thorn par Gary Jennings vient du fait qu'il tirera toujours un profit ou une vengeance au terme de chacune de ses expériences, de ses batailles ou de ses explorations. Et ceux qui se mettent en travers de sa route de négociateur, le maltraitent, le retiennent prisonnier ou veulent sa mort le paieront très cher comme l'adversaire de Théodoric et son pire ennemi, son cousin Théodoric Strabo ou encore Odoacre qui s'est proclamé empereur d'occident et est de fait le rival que Théodoric doit détruire.
    Donc avec chaque épisode, nous voyons en détail le mécanisme de constitution d'un empire issue à la fois de la conception que s'en font à la fois Théodoric et son ami Thorn dont il ne soupçonnera pas jusqu'au bout la nature profonde. Nous visitons l'empire du Nord au Sud et découvrons pourquoi Théodoric fera de Ravenne, sa future capitale. Thorn, un rien machiavélique avec ses deux personnalités, jouera le rôle d'un Missi dominici avant l'heure, d'un chef de guerre, il aura le titre de maréchal, et même d'un espion qui éliminera soit stratégiquement soit physiquement les adversaires de son maître et ami et mais qui sont aussi les siens. Il nous présente tous les peuples du futur empire et les pires ce ne sont pas les barbares mais bel et bien les catholiques, leurs prêtres, leurs évêques et leurs légats romains successifs, dont Théodoric finira par laisser mourir en prison le plus naïf d'entre eux après s'en être servi pour être reconnu, le pape Jean.
    Le plus savoureux est le dénouement absolument inattendu et qui s'inscrit en faux dans le drame historique. Théodoric le Grand qui n'a jamais cherché à se convertir au catholicisme comme le fit Clovis, son beau-frère, ne mourra pas comme les historiens le racontent, d'une dysenterie, mais d'une manière que seul Thorn pouvait prévoir pour sauver la réputation de son maître dont le déclin est inéluctable. Après la mort de Théodoric, l'empire qui a duré une bonne trentaine d'année s’effondrera faute d'une volonté égale à la sienne pour le diriger et en maintenir la cohésion.
    Le tout dans une traduction exemplaire de Thierry Chevrier avec des commentaires émérites et une attention scrupuleuse pour le texte de Gary Jennings. Il ne reste plus à Thierry Chevrier qu'à s'attaquer au dernier grand roman de l'auteur, Spangl qui se déroule dans le milieu du cirque au XIXe siècle.
Charles Moreau
(copyright février 2013)
  
                                                                               
NOUVELLES DANS LA REVUE FICTION
  •  Myrrha (1962, Myrrha) in Opta, Revue Fiction n° 113, 1963.
    Au bout du rêve (1968, After all the dreaming ends)
    in Opta, Revue Fiction n° 239, 1973.
  • Et ensuite ? (1969, Next)
    in Opta, Revue Fiction n° 220, 1972.
  • La chasse aux spectres (1970, Specialisation)
    in Opta, Revue Fiction n° 240, 1973.
  • Tom-le-chat (1970, Tom cat)
    in Opta, Revue Fiction n° 252, 1974.
  • Une soirée en enfer (1971, How we pass the time in hell)
    in Opta, Revue Fiction n° 241, 1974.

mercredi 2 janvier 2013

BEAUDOUIN CHAILLEY CRITIQUE ET INTERVIEW

 
LE GLAIVE ET L'INITIE
Baudouin Chailley a l'art de circuler dans le temps avec l'aisance d'un voyageur temporel éclairé. Après les périodes historiques des convulsions de notre monde moderne, après le Canada de la colonisation et de la déportation, c'est au tour, à présent, dans ce volume de plus de 560 pages (Editions Baudelaire), d'une époque encore plus lointaine, celle des Templiers. Mais dans ce roman brillant et plein d'humanisme, ce n'est pas leur chute historique qui est évoquée en détail comme dans Les Rois Maudits de Maurice Druon, ni les relations de cet ordre très puissant avec un pouvoir occulte mais le parcours d'un homme au cœur d'un désastre prévisible. C'est parce qu'il a voulu revoir les siens en revenant lors d'une mission – ramener des chevaux à Saint-Jean-d'Acre, la dernière citadelle de la Chrétienté – que Philibert de Bréchiniac, un Templier sera maudit par son père, Thibert, qui voulait son retour définitif pour lui succéder dans la forteresse de Malaïgues près du village de Mirandole, et qu'il retournera dans le dernier bastion de la Terre Sainte, en compagnie de fidèles compagnons et d'un jeune homme, Thibault de Fierbois, un rêveur inconscient tenté par l'aventure. Nul mieux que Baudouin Chailley ne sait évoquer Saint-Jean-d'Acre et la fascination que ce monde grouillant du mélange des peuples et des cultures suscite et chez Philibert et surtout chez son jeune compagnon Thibault qui le suit pas à pas. C'est que Philibert a des liens anciens et profonds avec cet univers qu'il aime et où il a déjà laissé une partie de son âme et de sa chair, c'est aussi parce qu'il a sauvé de la mort un adversaire dont il ignore la puissance et le combat qu'il n'assistera pas à la fin d'Acre. Il sera un témoin de la fin d'une terrifiante aventure marquant l'échec du rapprochement des peuples et des races lorsqu'il reviendra dans le monde étroit et en crise du règne de Philippe le Bel en terre de France. Le Temple réalisera la prédiction du Sarrasin en donnant une mission à Philibert qui sera entraîné de Chypre jusqu'aux frontières des Pyrénées ainsi que ses proches et ses ennemis. Dès lors, c'est une épuisante course poursuite pour échapper aux sbires du roi de France et retrouver la fin de son parcours tel qu'il a été tracé par ses supérieurs. Et lorsque plus apaisé, il franchira les mers pour gagner l'Ecosse, il devra prendre parti en tant que chef de guerre expérimenté dans un dernier combat qui n'est pas le sien mais qui lui permettra de se réaliser et de découvrir un nouvel idéal. Un captivant roman d'un des meilleurs romanciers du Fleuve Noir.
Charles Moreau
Copyright 2012

    ( Baudouin Chailley et son épouse le 18-11-2012
       à l'exposition réalisée pour le salon du livre ancien
de Pernes-les-Fontaines )


BAUDOUIN CHAILLEY
INTERVIEW

Q. : Pourquoi avoir écrit Le Glaive et l'Initié (Editions Baudelaire), ce gros roman qui retrace à la fin de l'époque des croisades ainsi que la vie et le cheminement d'un Templier ?
R. B. C. : Je voulais parler de ce que l’on évoque rarement: l’agonie programmée du Temple et surtout démystifier tout ce fatras de légendes où le Templier est montré tour à tour comme uniquement attiré vers les richesses, comme un fou de Dieu, comme un guerrier d’élite, voire comme un traître à son roi (Ce qu’il n’a jamais été – N’était-ce pas le Temple qui a payé la rançon de Saint Louis qui pourtant ne le portait pas en son cœur?) A contrario, l’immense majorité d’entre eux avaient accepté de renoncer au bien être (relatif) auquel leur naissance pouvait les amener à prétendre (Les Templiers étaient obligatoirement nobles) C’était aussi des hommes, avec des problèmes d’hommes. Il faut signaler aussi que la milice du Temple à ses débuts était très différente du Temple à sa fin quoique la majorité des Templiers ‘’de base’’ soient incontestablement restés fidèles à leur idéal. Voir pour cela les compte rendus des interrogatoires menés dans les geôles du roi PHILIPPE IV.

Q. : Etait-ce pour démystifier le bruit et le tintamarre qu'on fait à notre époque autour de l'or des Templiers que rechercha en vain le roi de France Philippe le Bel et la survie de leurs idées, ou pour retracer seulement une vie humaine dans un siècle troublé qui annonce une guerre de Cent ans ?
B. C. : L’ordre des Templiers (et beaucoup d’autres) fut créé pour défendre les lieux saints. Ces lieux saints une fois perdus, ils n’avaient historiquement plus aucune raison d’être. J’ai voulu retracer l’histoire d’un homme, petit nobliau en sa province (Il fallait bien en passer par là) et qui a vécu – à son modeste niveau – la fin tragique du Temple (En France) Abandonné du Pape comme du Roy, il devint un ‘’soldat perdu’’ de l’époque, cherchant désespérément une issue pour échapper à une situation sans espoir. Quant à l’or des Templiers, on a beaucoup glosé là-dessus. Lorsque Philippe le Bel lança sa police et son armée contre la milice du Temple, il y avait belle lurette que les réserves monétaires de l’Ordre avaient été dispersées dans différentes directions (Et généralement hors du royaume) On ne monte pas une opération d’une telle ampleur sans qu’il y ait quelques fuites. Il faut aussi songer que la fortune des Templiers étaient surtout faite de biens immobiliers. Quant au soi disant ‘’secret des Templiers’’, il touche à un tout autre domaine.

Q. : Philibert de Bréchignac a-t-il un modèle historique ? Quelle a été votre documentation pour écrire cet épais et magnifique roman de plus de cinq cents pages ?
B. C. : Cette période est très peu connue. On préfère parler du Temple comme une sorte d’ordre Noir confit d’ésotérisme fumeux, d’un état dans l’état insupportable pour le roi de France ou de Zorro médiévaux ne cherchant que plaies et bosses. C’est vite oublier qu’ils avaient été les premiers à envisager que l’islam et la chrétienté pouvaient cohabiter pacifiquement peut-être pas mais se respecter mutuellement. Le roi Saint Louis, un fou de Dieu, a torpillé ces désirs et ces illusions. Les croisés, il faut le dire aussi, n’allaient pas tant en terre sainte pour défendre le tombeau du Christ que pour s’y créer des royaumes pour les plus hauts placés ou se livrer aux pillages pour les autres. Par ailleurs la conduite des armées qu’elles soient française, anglaises ou autre n’était pas exactement un modèle du genre.

Q. : Considérez-vous à la fin de votre roman que Philibert de Bréchignac votre personnage central a atteint sa pleine réalisation en se frottant à deux mondes importants de l'époque où les hommes partaient se battre pour leur croyance contre les tenants d'une autre croyance ?
B. C. :Oui. Cet homme a tout connu de ce que la vie pouvait lui offrir. Il avait trouvé l’amour en une femme que tout séparait de lui. Il a été honnête avec elle et apprécié des ennemis d’alors pour cela; il a vu la rapacité, la cruauté des deux camps, l’attirance effrénée vers le commerce des richesses; il avait en face de lui, au fur et à mesure qu’avançait sa vie, le spectacle du monde bouleversé tel qu’il était et qui n’avait rien à voir avec les chansons de gestes de son adolescence ce qui l’a, à l’inverses de beaucoup, conduit vers la tolérance. Ni l’islam , ni le catharisme n’était sa religion, mais il les respectait toutes deux ; son ennemi était les fous de Dieu, les ordonnateurs de bûchers, les massacreurs de tout poil qui ne se servait de Dieu que pour excuser et assouvir leurs passions perverses. C’est en Ecosse, là où il retrouva bon nombre de ses compagnons réfugiés qu’il découvrit une forme de pensée qui jusqu’alors lui avait été inconnue.

Q. : Vous posez aussi le problème des hérésies ? Pourquoi ont-elles tant surgis à l'époque des croisades ?
B. C. : Les hérésies n’ont pas surgi par un hasard (qui n’existe pas: tout effet à une cause, qui elle-même en a une autre jusqu’à la cause première) Les hérésies sont incontestablement nées de l’attitude du clergé de Rome et la répression a été d’autant plus impitoyable que celui-ci voyait d’un très mauvais œil tout ce qui pouvait toucher aux dogmes ou lui faire perdre prébendes et prérogatives. Toutes les hérésies n’ont jamais été qu’une réaction contre l’ordre établi et dévoyé.

Q. : L'amour bien que peu apparent dans cette œuvre semble la dominer sous toutes ses formes (mariage et compréhension en face des autres) pourquoi cette expression en demi-teinte ?
R. : Oui, Philibert a connu l’amour. Tout au long de sa vie il a adoré celle qui avait été sa femme, mais il a aimé aussi ses camarades de combat et plus tard ceux qu’il appelait ‘’ses gens’’, hommes attachés à la glèbe et dont la seule préoccupation était de réussir à nourrir leur famille. Philibert, au fil des ans, à transcendé son amour en l’élargissant peu à peu pour lui donner une dimension universelle (Philosophie qu’il entrevoyait pour la première fois lors de ses balbutiements en Ecosse)

Q. : Pourquoi avoir évité l'affrontement final des croisades à Saint-Jean d'Acre et ne pas avoir raconté le siège d'une manière détaillée ? Est-ce parce qu'il est le début de la fin pour les croisés et les Templiers ?
B. C. : Ce roman n’est pas un roman épique. Il est bien plus que cela. La chute de Saint Jean d’Acre était inéluctable. L’Europe se désintéressait de son ultime possession. Les Templiers (Les Hospitaliers et tous les autres) se battirent avec la dernière énergie et succombèrent sous le nombre de leurs assaillants. Non, je n’ai pas voulu raconter un fort Alamo de plus. Le livre n’en avait pas besoin et il fallait que mon héros survive pour pouvoir continuer évoluer vers l’apaisement né de la tolérance acquise au fil des épreuves.

Q : Philibert de Bréchignac est-il à la recherche d'un monde nouveau ? Ou bien un maudit rejoint par la barbarie d'une époque qui le conduit à toujours se battre pour défendre ce en quoi il croit véritablement.
B. C. : Au départ il n’est qu’un homme balloté comme tout un chacun par les expériences qu’il vit, ce qu’il voit, les souffrance d’un amour tragique. Peu à peu il apprend à ‘’à se faire ‘’homme doué de raison’’ (En non juge) Dés lors, il pose sur le monde brutal de l’époque un regard ‘’extérieur’’. Il reste fidèle au Temple qui l’a créé; il ne juge pas. Pardonne-t-il les excès de ceux qui ont la violence pour religion? Je ne le pense pas car il n’a pas été formé pour ça (Voir l’épisode Gauthier de MAUVERT) Mais il agit sans haine contrairement à beaucoup. Il observe sans juger le spectacle du monde de son époque.

Q. : Vous utilisez souvent et jusqu'à la fin le retour en arrière pour expliquer les conséquences de certaines scènes d'action : est-ce que cela vous permet de faire avancer votre histoire plus facilement ?
B. C. : Je ne saurai dire: l’histoire m’est venue comme ça. Ensuite plusieurs histoires s’interpénètrent ce qui m’a obligé à faire des ‘’flash back’’ et puis il est toujours utile de rappeler les causes d’une action annexe au corps principal de l’histoire.

Q. : Aborderez-vous d'autres romans historiques prochainement ?
B. C. : Sûrement. ROME peut-être… La colonisation romaine, ses déboires et sa décadence m’attirent. Mais rien n’est fixé. J’y pense



Charles Moreau et Baudouin Chailley
Copyright décembre 2012