mercredi 7 novembre 2012

AFIN DE RAFRAICHIR LA MEMOIRE DE BHL SUR MASCARA


Je n’entrerai pas dans la polémique concernant le dernier livre co-écrit recemment par Bernard Henri Levy et Michel Houellebec étant donné que les sphères où ils veulent se situer pour un pareil affrontement ne sont d'aucun intérêt pour moi. De Michel Houellebecq, je ne connais que son Lovecraft, contre le monde, contre la vie (1991) pour lequel j'avais d'ailleurs fait une critique favorable qui ne plut pas à celui à qui je l'envoyais jadis et qui resta inédite. En ce qui concerne BHL dont j'ai lu le texte publié dans le Nouvel Observateur, je vous parlerai du Mascara que j'ai connu en précisant que j'y ai été élevé de 1941 à 1961, soit durant une vingtaine d'années en précisant au passage que je suis né au début de 1939 à Paris quelques temps avant l'entrée de la soldatesque hitlérienne dans cette ville. Mes souvenirs dans la ville de Mascara remontent à la fin de la guerre. Je me souviens qu’on y brûla en effigie Hitler et Mussolini et que l’on fit une fête parce que le peuple de France et nous-mêmes avions été libérés de la barbarie nazie. A cette époque-là, j’habitais avec ma mère et mes parents maternels, tous pied-noirs d'origine espagnole, près de l’église de Mascara et donc je fréquentais le centre ville avec mon cœur d’enfant. J’ai toujours été émerveillé de voir que l’église et la mosquée était bâties l’une à coté de l’autre et qu’aux cloches de l’une annonçant la messe répondait de l’autre la voix du muezzin appelant à la prière. Deux autres bâtiments y étaient présents : le monument aux morts célébrant pour les européens comme pour les musulmans une guerre atroce qui n’était pas de ce continent et l’immense Maison du colon aux fresques agraires.
Sur le côté droit en contrebas de l’Église, à coté de laquelle étaient garées les calèches, les taxis étaient rares à cette époque, se trouvait la synagogue. Je pense que peu de ville en Algérie avaient cette extraordinaire configuration. Et cela pouvait s’expliquer puisque Mascara, sous l’Emir Abdelkader, était une ville guerrière située sur une hauteur qu’il fallut investir : son nom d’origine arabe signifie : La Mère des Soldats (Mra Sakar). Pas très loin de la place de l’Eglise se trouvait la Place Gambetta sur laquelle était la Mairie de Mascara, des banques, des bars et la bibliothèque très belle surtout à l’intérieur car elle renfermait toute la culture française. Sa bibliothécaire me laissa lire tous les volumes que je voulais prendre et j’y découvris aussi bien tout Alexandre Dumas que tout Maupassant ou que les premiers volumes de la Série Noire. Il n’y avait pas de télévision à Mascara et ce n’était pas quelque chose dont on pouvait se plaindre puisqu’on n’avait pas le sentiment d’un manque et que la radio et ses superbes chansonniers et ses pièces de théâtre, ainsi que les cinémas nous distrayaient prodigieusement. Sur la place Gambetta, il y avait un kiosque magnifique qui fut par la suite détruit pour aménager la place à cause des voitures qu’il fallait garer. Avec ma sœur et mes amis, nous avons passé beaucoup de temps à glisser sur ses rebords le long des quelques marches qui permettaient d’y accéder. Il y avait un théâtre qui était là de longue date et où ma grand-mère y découvrit les opérettes qu’elle adorait et moi les pièces de théâtre de Molière et de Racine, et où j’entendis pour la première fois cette apostrophe célèbre du Bossu : «…Et si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi… » Son directeur, homme d’une grande culture se nommait M. Valère et dans la semaine, il descendait au Petit Jardin ou l’on gardait les enfants du Jardin Pasteur où passait l’Oued Toudman. Là, il incarnait GUIGNOL et GNAFRON et nous savions tout du célèbre héros lyonnais.


(Librairie Garson, photo Charles Moreau)

Mais sur la Place Gambetta, il y avait la plus belles des librairies que j’ai vu de ma vie. Elle était tenue par les Garson qui avaient aussi une imprimerie. Ce fut le refuge idéal pour moi, le sanctuaire, plus que le Stade de l’Avant-garde. Jusqu’au dernier jour de ma présence à Mascara, je pus y acheter des romans de toutes sortes et le "Canard Enchaîné". Puis je connus aussi le quartier arabe de Bab-Ali où ma mère tenait une modeste poste auxiliaire et là je découvris un autre monde pétri d’un autre humanisme et d’une autre culture et je compris et j’appris sans haine beaucoup de choses. Lorsque notre vie fut menacée, des amis arabes nous invitèrent à manger un superbe couscous et nous dirent que les aléas de la révolte faisaient que nos vies étaient menacées et qu’ils ne nous garantissaient plus dans ce quartier la vie sauve car la haine s’étaient répandue jusque dans les montagnes. Je rajoute une dernière chose le collège de garçons de Mascara recevait tous les enfants de la ville et il y avait là sans qu’ils le sachent des descendants de tous les peuples du bassin méditerranéen qui apprenaient le français et l’arabe et l’Histoire de France.
Charles MOREAU

1 commentaire:

didier a dit…

Hello Charles

peux-tu me donner ton adresse mail ?

Didier