mercredi 7 novembre 2012

QUAND SOUFFLE LE VENT D'OUEST par BAUDOUIN CHAILLEY, Éd. Baudelaire, 2009

BAUDOUIN CHAILLEY

( Igor Ivanov, Baldwin Wolf et Guy Jaquelin pour le Gerfaut, Piet Legay, Guy Lespig pour le Fleuve Noir, Pat H. B. Treilley pour l’Arabesque, B. Hilley chez Bastille, Pat Marcy chez Promofidia et Pierre Lucas (collectif) pour la série «Police des Mœurs»)

Originaire de Nimes, il y est né le 25 octobre 1939.
Etudiant il s’éprend d’une jeune fille qui déplaît à sa famille. Son père, Marcel Chailley, un officier, qui l’a gardé à ses côtés durant tout son périple à travers l’Afrique lui a de ce fait assuré une éducation que bien peu d’enfants peuvent avoir dans les années cinquante et dont on retrouvera les traces réalistes du vécu à travers bien de ses romans, meurt en 1962. Les deux jeunes gens se marient le 16 décembre 1963, à Paris (Porte de Vanves).
A l’époque, Baudouin Chailley vit pauvrement auprès de celle qu’il aime, sa femme Jacqueline, et dont il aura quatre enfants, trois garçons et une fille. Cette dernière vit au Canada. Un des garçons mourra en bas âge. Un autre vit à Alès, près de son père et le troisième s’est installé en Nouvelle Calédonie.
Il poursuit de solides études et s’engage dans l’Armée. A 22 ans il est sergent-chef et on le trouve en Guyane française travaillant sur la future base de Kourou, recherchant les restes d’un fort portugais disparu dans la jungle ou remontant le Maroni. Par la suite, il prépare Saint-Maixent et en sort sous-lieutenant. Il rentre au SDECE et parcourt l’Afrique.
De 1984 à 1987, il est capitaine et se trouve en Nouvelle Calédonie lors de l’affaire du « Raimbow Warrior » et du référendum pour l’autonomie. Il relatera plus tard, dans un de ses romans, une politique-fiction, Nouméa, Ville ouverte (Stock, 1989) les affrontements qui se déroulèrent sur l’île dans cette sombre période.
Il semble que ce soit pour meubler les heures d’attente et de surveillance dans de nombreux hôtels qu’il commence à écrire et à travailler pour les collections de l’Arabesque : Boum sur Kartoum n° 369 de la collection Espionnage, est publié sous le nom H. B. Treilley, au début de 1965.
Puis lassé de l’attitude d’un collaborateur peu scrupuleux, il passe au Fleuve Noir, grâce à l’aide de Claude Joste, dès le début de 1966 dans la collection Feu (Commando 44, n°40) et fin 1968, dans la collection L’Aventurier (Carnage à Cayenne, n°141) qui lui convient bien : son héros se nomme Krause et les décors ont pour base des pays visités par l’auteur, Djibouti, la Somalie, Cayenne et la Guyane.
Quand le Fleuve Noir arrête les collections Feu et L’Aventurier, il enchaîne avec celles du Gerfaut au début de l’année 1976, en effet les couvertures de l’espagnol Longaron qui sont très réalistes et très belles ne comportent pas d’erreurs quand à la réalité historique de la seconde guerre mondiale, notamment dans l’armement et les costumes militaires, ont attiré son attention. Il ne lui faut pas longtemps dans le courant de l’année 1975 pour convaincre Serge Krill, le directeur des Gerfaut que beaucoup des romans publiés antérieurement comportent des inexactitudes et que le travail qu’il a fait auparavant au Fleuve Noir était très sérieux et bien documenté. Il débute sous le pseudonyme de Baldwin Wolf avec le numéro 289, La neige rouge de Taskaïa. Il utilisera d’autres pseudonymes, tels que Igor Ivanov et Guy Jacquelin. Il pense d’ailleurs qu’il faudrait orienter la collection vers des histoires différentes et situées ailleurs que sur le front de l’Est.
De 1977 à 1995, sous le seul pseudonyme de Piet Legay, il donne 55 romans à la collection Anticipation qui lui a ouvert ses portes avec son numéro 771, Démonia planète maudite.
Quatorze de ces romans sont des « dossiers maudits » mettant en scène les relations entre les êtres humains et les extra-terrestres qui n’ont pas pour des raisons mystérieuses l’intention d’entrer en contact avec eux ni même de les accepter.
Une de ses œuvres les plus ambitieuses écrite en 1991 est une série de trois romans Chronos, décrivant la vie des derniers survivants de la Terre à bord d’une arche stellaire dont certains mourront avant l’arrivée sur un monde nouveau (Le temps de l’effroi, Anticipation n°1799, Le temps des lumières, n°1814 et Le temps des révélations, n°1826.)
En 1990, le Fleuve Noir Espionnage lui offre sa propre collection sous son véritable nom (il est en effet libéré de son obligation de réserve par son ancienne administration et n’a plus besoin d’utiliser de pseudonymes), Baudouin Chailley, série qui sera arrêtée après quelques numéros.
En 1994, dans la série Police des mœurs, sous le pseudonyme maison de Pierre Lucas, il écrit deux romans sous les numéros 103 et 104.
À peu de chose près, les cinquante ans du Fleuve Noir marquent la fin apparente de la carrière de Baudouin Chailley. Il prend un emploi d’administrateur dans une clinique nîmoise qui monopolise alors toute son énergie.
Mais c’est mal connaître le démon de l’écriture qui l’habite et, en Nouvelle Calédonie où il vit depuis son départ à la retraite, il se remet à la SF et devient à partir 2006 un aueur de la collection «Rivière Blanche». Peut-être inspiré par le départ de sa fille pour le Canada, il entreprend une histoire très documenté ayant pour cadre la colonisation de ce pays vers les années 1750. Cet ouvrage, QUAND SOUFFLE LE VENT D’OUEST, est une vaste fresque de presque 600 pages qui vient d’être publiée aux éditions Baudelaire, fin 2009 et dont nous vous donnons un compte rendu ci-dessous.




QUAND SOUFFLE LE VENT D’OUEST se situe à un moment charnière de l’histoire. Celui où le roi de France, Louis XV, qu’on appelait le Bien Aimé au début de son règne, envoie en Neuve France trente cinq ans avant la Révolution (le futur Quebec) un dernier vaisseau avec quelques misérables troupes recrutées dans les estaminets par ses sbires pratiquant le racolage et quelques « filles du Roi », filles de rien ou dont on veut se débarrasser pour les problèmes qu’elles ont causés en bien comme en mal. Eux seront chargés de protéger les « quelques arpents de neige » et elles de faire des enfants avec les colons pour peupler ce nouveau monde… Cette politique était aussi propre aux nations européennes de l’époque et à l’Angleterre, nation rivale et qui faisait comme l’Autriche obstacle à la politique française. On sait que Louis le Bien-aimé se désintéressa totalement du sort des habitants de la Neuve France et même des officiers prisonniers qu’il ne racheta pas au Anglais.
A travers toute une extraordinaire palette de personnages, Baudouin Chailley nous fait suivre successivement et avec talent dans la narration, le sort de la dernière expédition qui ne répond pas aux demandes pressantes du Marquis de Montcalm, le vaillant défenseur de la Neuve France qui voulait obtenir du Roi l’envoi de trois mille hommes pour contrer l’Anglais. Et lorsque le mestre de camp, Fermin de Quersac, envoyé par le Ministre Choiseul, se présente devant lui avec le pli signé par le Roi, il sait tout de suite qu’il n’aura pas de renfort autre que ces deux cent trente huit jeunes soldats mal dégrossis et mal armés et quel va être le sort de la Neuve France...
Deux personnages se détachent dans cette histoire, elle, Vangeline Poix, est une jeune servante engrossée par un benêt de nobliau et lui, Félicien Veyrac est l’amoureux éperdu de la belle Maguelonne qui se donne à lui la veille de ses noces avec un homme plus âgé et riche. Félicien désespéré et ivre finit entre les mains des soldats recruteurs et elle après avoir mis au monde un fils s’en voit dépossédé et emmenée à la Rochelle. Tous deux vont se retrouver sur le même bateau, la Donnadieu, qui vogue vers la Neuve France. Les soldats apprennent leur métier et les femmes sont parquées dans la calle.
Dès lors leurs destins vont se croiser à plusieurs reprises mais chacun des deux restera avec son rêve chevillé au cœur, lui de revenir dans son pays retrouver sa Maguelonne, et elle de retrouver son fils, son François qu’elle n’a vu qu’une fois. Le tout à travers la défense menée par Montcalm et ses soldats à travers un vaste pays couvert de forêts et de neige… et les derniers jours de cette lointaine colonie dont le roi de France ne voyait pas l’intérêt.
Ceux qui suivront la trajectoire de nos deux héros sauront ce qu’il adviendra d’eux et de leurs amis dans cette défaite et dans cette occupation acharnée que mèneront les Anglais, plus subtiles que méchants… sur le long terme.
Un livre qu’on ne lâche qu’avec la dernière ligne.

Charles Moreau

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